Ce texte fut élaboré par Gottlob Frege pour répondre à ses détracteurs et surtout aux critiques de Benno Kerry qui a cité à plusieurs reprises les Fondements de l’arithmétique et quelques autres de ses écrits… alors, Frege nous affirme : « qu’il ne peut que s’en féliciter » et nous montrera au mieux de sa reconnaissance en examinant quelques-uns des points controversés suscités dans la polémique. Cet examen lui paraît d’autant plus nécessaire que les objections de Kerry reposent, au moins partiellement, sur une mauvaise interprétation de ce qu’il a écrit à propos du concept. Bref, « en un mot » Frege va essayer de clarifier et expliciter sa pensée… qu’il n’avait point fait dans les Fondements.
Le terme « concept » a divers emplois; il est pris tantôt au sens psychologique, tantôt au sens logique, et peut-être également dans une acception confuse qui mêle les deux. Mais cette liberté a sa limite naturelle; dès lors qu’un certain emploi du terme est mis en jeu, il est souhaitable qu’il soit maintenu. Pour sa part, il a choisi de s’en tenir strictement à l’emploi purement logique du terme. Que cet emploi soit ou non préférable à l’autre, il laissera cette question de côté estimant qu’elle est secondaire. Il sera facile de s’entendre sur expression quand on aura reconnu qu’il y a là quelque chose qui mérite une dénomination spéciale. Or il semble que la méprise de Kerry tient à ce qu’il confonde involontairement son usage du terme « concept » et celui de Frege. De là des contradictions bien faciles qu’il ne faut pas mettre à la charge de Frege. Kerry conteste ce qu’il appelle sa définition de concept. Frege remarqua d’abord que les explications qu’il a données n’ont pas été proposées à son sens comme une véritable définition. On ne saurait demander que tout soit défini, pas plus qu’on ne pourrait demander à un chimiste qu’il analyse toute matière, nous dit-il.
Ensuite, arrêtons-nous à cette comparaison et exemple : s’il existait ou s’il avait jamais existé des êtres qui fussent pères sans pouvoir être fils, de tels êtres seraient évidemment d’une espèce différente de celle des autres hommes qui sont fils. Or, le cas qui nous occupe est analogue. Le concept – à prendre le terme comme il entend – est prédicatif. À l’inverse, un nom d’objet, un nom propre, ne peut absolument pas être employé comme un prédicat grammatical. Frege avoue qu’il lui faut expliquer là ce qui peut sembler être une affirmation fausse. Ne peut-on pas dire que quelque chose est Alexandre le Grand, le nombre quatre, la planète Vénus, comme on dit que quelque chose est vert ou est un mammifère? Une telle opinion néglige la distinction qui s’impose entre les emplois du terme « est ». Dans les deux derniers exemples il a un rôle copulatif, ce « est » n’est rien d’autre qu’une forme lexicale de l’attribution. Dans cette fonction, on pourra parfois, lui substituer un simple suffixe verbal marquant la personne. Comparons : « cette feuille est verte » et « cette feuille verdoie ». Il est dit là que quelque chose tombe sous un concept, et le prédicat grammatical dénote ce concept. À l’inverse, dans les trois premiers exemples, le « est » a le rôle du signe arithmétique d’égalité, il exprime une identité.
Dans la proposition « l’étoile du matin est Vénus » figurent deux noms propres, « étoile du matin » et « Vénus », qui s’appliquent au même objet. Dans la proposition « l’étoile du matin » est une planète » figurent un nom propre : « l’étoile du matin » et un terme conceptuel : « une planète ». Du point de vue de la langue, il est vrai, on a simplement substitué à « Vénus » « une planète »; mais eu égard aux choses, on a modifié la relation entre les termes. Une identité est convertible; en revanche quand un objet tombe sous un concept, cette relation n’est pas convertible. Le « est » de la proposition « l’étoile du matin est Vénus » n’est évidemment pas une simple copule : si l’on consulte le contenu, « est » est une partie propre du prédicat. On pourrait également dire « l’étoile du matin n’est rien d’autre que Vénus » en développant en quatre mots le contenu du précédent « est ». Dans ce cas, le « est » de « n’est rien autre que » est simplement copulatif. Ce qu’on énonce ici n’est alors que» est simplement copulatif. Ce qu’on énonce ici n’est alors pas simplement Vénus, mais rien autre que Vénus. Ces mots dénotent un concept, sous lequel il est vrai ne tombe qu’un seul objet. Mais un tel concept doit toujours être distingué de l’objet qu’il subsume. Nous avons ici un mot, « Vénus », qui ne peut pas être prédicat, bien qu’il puisse constituer une partie d’un prédicat. La dénotation de ce mot ne peut pas être un prédicat, elle ne peut être qu’un objet.
Il peut sembler vrai que Kerry estime impossible de fonder aucun principe logique sur de distinctions linguistiques; mais on ne pourra pas éviter de procéder comme Frege le fait si on veut parvenir à des principes logiques. Sans le langage, nous aurions et ne pourrions pas nous comprendre et nous en serions réduits à un acte de foi, à croire qu’autrui comprend les mots, les formes, et les constructions comme nous les comprenons nous-mêmes. Comme Frege l’avait déjà dit, et qu’il n’ait pas voulu donner une définition, mais il y a quelques indications qui font appel au sens de la langue que partage tout Allemand ou [tout locuteur d’une langue]. Et il a tiré avantage du fait que la différence sensible dans la langue s’accorde si bien avec la différence réelle. Dans le cas de l’article indéfini, on ne trouvera aucune exception à notre règle, même pour des expressions désuètes telles que « un noble conseiller ». La chose n’est pas si simple dans le cas de l’article défini, surtout lorsqu’il est employé au pluriel; mais son critère ne touche pas à ce dernier cas. Il y a un doute, quand le singulier tient lieu d’un pluriel; par exemple dans les propositions « le Turc assiégea Vienne », « le cheval est un quadrupède ». Toutefois, on y reconnaît aisément des cas particuliers et notre règle ne saurait en être affectée. Il est évident que dans la première proposition, « le Turc » est le nom propre d’un peuple. Quant à la seconde proposition, la meilleure interprétation est d’y voir l’expression d’un jugement universel : « tous les chevaux sont quadrupèdes », ou : « tous les chevaux normalement constitués sont quadrupèdes », Frege y reviendra plus loin…
Lorsque Kerry conteste la pertinence de son critère, en affirmant que, dans la proposition « le concept dont il vient juste de parler est un concept sous lequel tombe un seul individu », le nom constitué par les huit premiers mots dénote un concept, il n’entend pas le terme « concept » à son sens; et la contradiction ne naît pas de ses principes. Mais personne ne peut exiger que la manière dont il choisit de s’exprimer coïncide avec celle de Kerry.
On ne peut nier qu’on se heurte à une difficulté linguistique inévitable quand on dit : le concept cheval n’est pas un concept bien que la Ville de Berlin soit une ville et que le volcan Vésuve soit un volcan. Le langage est ici soumis à une contrainte qui justifie qu’on s’écarte de l’usage. Kerry reconnaît le caractère particulier du cas qui nous occupe en plaçant des guillemets devant le terme de « cheval » — et c’est dans la même intention que Frege utilise l’écriture italique. Il n’y a aucune raison pour attribuer une telle écriture distinctive aux mots « Berlin » et « Vésuve ». Dans le cours d’une recherche logique, il n’est pas rare qu’on ait besoin d’énoncer quelque chose d’un concept et donc de revêtir le concept de la forme linguistique usuelle pour de tels énoncés. D’où il résulte que l’énoncé est le contenu d’un prédicat grammatical. On s’attendrait alors à ce que le concept soit la dénotation du sujet grammatical. Mais le concept, de par sa nature prédicative, ne peut pas jouer d’emblée ce rôle, il doit être représenté par un objet que nous désignons en préposant les mots « le concept », par exemple :
« Le concept homme n’est pas vide. »
Il faut comprendre les trois premiers mots comme un nom propre, lequel ne peut pas plus avoir un emploi prédicatif que « Berlin » ou « le Vésuve ». Quand on dit « Jésus tombe sous le concept homme », le prédicat (abstraction faite de la copule) est
« tombant sous le concept homme »
et cela veut dire la même chose que
« Un homme ».
Mais la séquence de mots
« Le concept homme »
ne constitue qu’une partie de ce prédicat.
On pourrait faire valoir contre la nature prédicative du concept qu’on peut parler de concept sujet. Même en ce cas cependant, par exemple dans la proposition :
« Tous les mammifères ont le sang rouge »
la nature prédicative du concept n’est pas oblitérée. On pourrait en effet dire :
« Tout ce qui est mammifère a du sang rouge »
Ou
« Si quelques être est mammifère, il a du sang rouge ».
Lorsque Frege rédigea les Fondements de l’arithmétique, il n’avait pas encore distingué le sens de la dénotation et il désignait par l’expression « contenu de jugement » tout à la fois ce qu’il distingue désormais en « pensée » et « valeur de vérité ». Et il ne maintiendrait pas dans sa formulation littérale l’explication qu’il se proposait à la page [77], bien qu’il garde pour l’essentiel la même position. En bref, on pourrait dire, en prenant « prédicat » et « sujet » dans leur sens linguistique : un concept est la dénotation d’un prédicat, un objet est ce qui ne peut pas être la dénotation totale d’un prédicat, mais peut être dénotation d’un sujet. Il faut remarquer en outre que les mots « tous », « chaque », « quelques » figurent devant des termes conceptuels. Les propositions universelles et particulières, affirmatives et négatives, expriment des relations entre concepts et indiquent par ces mots (tous, chaque, quelques) le type particulier de la relation; du point de vue de la logique, ces mots ne doivent pas être liés étroitement au terme conceptuel qui fait suite, mais doivent être rapportés à la proposition toute entière. En somme, le langage est un moyen de donner la fonction de sujet à telle ou telle partie de la pensée. Un des procédés les plus connus est la distinction entre les formes du passif et de l’actif. Par suite, il pourra se faire que, la même pensée soit singulière selon une certaine analyse, particulière selon un autre, universelle enfin selon un troisième. On ne s’étonnera pas que la même proposition puisse être interprétée comme un énoncé portant sur un concept ou comme un énoncé portant sur un objet, pour peu qu’on veuille bien remarquer que ces énoncés sont différents. Par exemple : dans la proposition « il existe Jules César » n’est ni vraie ni fausse, elle est dépourvue de sens, bien que la proposition « Il y a un homme dont le nom est Jules César » ait un sens. Mais nous savons ici derechef que c’est un concept, comme l’atteste l’article indéfini. Pour récapituler : l’influence de Frege est majeure pour la logique et pour la philosophie analytique. Il a influencé Russell, Whitehead, Husserl, Carnap, Wittgenstein, Dummett, etc… Frege s’oppose au psychologisme et « expulse les pensées hors de la conscience » : les idées sont des représentations subjectives, mais les pensées sont objectives. Par ailleurs, selon Dummett, Frege est à l’origine du tournant linguistique qui est à l’origine de la philosophie analytique – c’est-à-dire : expliquer la pensée par l’analyse philosophique du langage. L’idéographie de Frege se veut être un nouveau langage purifié des imperfections du langage naturel responsable des fautes de raisonnement et d’erreurs d’interprétations. Selon l’analyse logique du langage de Frege, il y a essentiellement trois types de composantes dans le langage : ses termes singuliers, des propositions et des prédicats. Un concept est une fonction non saturée (ayant une place vide). « _ est la capitale de la France » est un concept. « Paris est la capitale de la France » est une proposition. Un nombre est un objet qui est la classe de tous les concepts dont les objets peuvent être mis en correspondance biunivoque. L’existence est une propriété d’un concept, selon laquelle ce concept peut être prédiqué d’au moins un objet. L’existence est un concept de second – ordre. Par exemple :
Sens et Référence : [Vénus] (Référence)
L’étoile du matin (Sens 1) L’étoile du soir (Sens 2)
ü Le sens comme mode « de donation » (« mode de présentation ») de la Référence.
Les représentations sont subjectives, le Sens est objectif. Si la lune est observée à travers une lunette, la lune est la Référence, l’image rétinienne pour chaque observateur est la représentation, l’image sur la lentille de la lunette correspondant au Sens.
ü Référence des prédicats : des fonctions qui sont des concepts.
ü Le principe de compositionnalité : Le Sens (ou la Référence) de toute expression complexe est fonction de Sens (ou de la Référence) de ses constituants.
Une proposition a pour Sens une pensée. Dans une proposition, la modification d’un terme par un autre ayant la même Référence peut modifier la pensée exprimée, mais non pas la valeur de vérité, donc une proposition a pour Référence le Vrai ou le Faux.
ü Pensée non complète et proposition ayant un individu comme Référence. « Celui qui … est mort dans la misère » a pour Référence : Kepler et non pas le Vrai ou le Faux.
ü Contexte indirect et proposition ayant un Sens comme Référence. Dans un contexte indirect, on ne peut pas interchanger des expressions ayant la même référence, mais il faut qu’elles aient le même Sens. Si Carole pense que l’étoile du soir apparaît le soir, il n’est pas forcément vrai que Carole pense que l’étoile du matin apparaît le soir.
ü Le cas des êtres impossibles. « La suite qui converge le moins rapidement » a un Sens, mais elle n’a pas de Référence.
ü Le cas de l’inassignable. « le corps céleste le plus éloigné de la terre » a un Sens, mais elle n’a pas de Référence assignable.
ü Le cas des êtres fictionnels.Le nom « Odyssée » et la proposition « L’odyssée est parvenue à Ithaque » ont un Sens, mais ils n’ont pas de Référence.
ü Et finalement, il faut définir le Sens pour les termes sans Références. On peut spécifier un référent possible en fournissant un mode de présentation ou de donation de ce référent éventuel.
Pour finir, Frege a bien répondu aux critiques de Kerry et invite le lecteur de se reporter à son article Fonction et concept. Si l’on demande ce que l’Analyse appelle fonction, on butera sur le même obstacle. Et un examen serré révélera que la difficulté gît dans la chose même et dans la nature de notre langage, qu’on ne peut remédier, à une certaine inadéquation de l’expression parlée, qu’il n’y a enfin rien à faire que d’en prendre conscience et d’en tenir compte!
Le terme « concept » a divers emplois; il est pris tantôt au sens psychologique, tantôt au sens logique, et peut-être également dans une acception confuse qui mêle les deux. Mais cette liberté a sa limite naturelle; dès lors qu’un certain emploi du terme est mis en jeu, il est souhaitable qu’il soit maintenu. Pour sa part, il a choisi de s’en tenir strictement à l’emploi purement logique du terme. Que cet emploi soit ou non préférable à l’autre, il laissera cette question de côté estimant qu’elle est secondaire. Il sera facile de s’entendre sur expression quand on aura reconnu qu’il y a là quelque chose qui mérite une dénomination spéciale. Or il semble que la méprise de Kerry tient à ce qu’il confonde involontairement son usage du terme « concept » et celui de Frege. De là des contradictions bien faciles qu’il ne faut pas mettre à la charge de Frege. Kerry conteste ce qu’il appelle sa définition de concept. Frege remarqua d’abord que les explications qu’il a données n’ont pas été proposées à son sens comme une véritable définition. On ne saurait demander que tout soit défini, pas plus qu’on ne pourrait demander à un chimiste qu’il analyse toute matière, nous dit-il.
Ensuite, arrêtons-nous à cette comparaison et exemple : s’il existait ou s’il avait jamais existé des êtres qui fussent pères sans pouvoir être fils, de tels êtres seraient évidemment d’une espèce différente de celle des autres hommes qui sont fils. Or, le cas qui nous occupe est analogue. Le concept – à prendre le terme comme il entend – est prédicatif. À l’inverse, un nom d’objet, un nom propre, ne peut absolument pas être employé comme un prédicat grammatical. Frege avoue qu’il lui faut expliquer là ce qui peut sembler être une affirmation fausse. Ne peut-on pas dire que quelque chose est Alexandre le Grand, le nombre quatre, la planète Vénus, comme on dit que quelque chose est vert ou est un mammifère? Une telle opinion néglige la distinction qui s’impose entre les emplois du terme « est ». Dans les deux derniers exemples il a un rôle copulatif, ce « est » n’est rien d’autre qu’une forme lexicale de l’attribution. Dans cette fonction, on pourra parfois, lui substituer un simple suffixe verbal marquant la personne. Comparons : « cette feuille est verte » et « cette feuille verdoie ». Il est dit là que quelque chose tombe sous un concept, et le prédicat grammatical dénote ce concept. À l’inverse, dans les trois premiers exemples, le « est » a le rôle du signe arithmétique d’égalité, il exprime une identité.
Dans la proposition « l’étoile du matin est Vénus » figurent deux noms propres, « étoile du matin » et « Vénus », qui s’appliquent au même objet. Dans la proposition « l’étoile du matin » est une planète » figurent un nom propre : « l’étoile du matin » et un terme conceptuel : « une planète ». Du point de vue de la langue, il est vrai, on a simplement substitué à « Vénus » « une planète »; mais eu égard aux choses, on a modifié la relation entre les termes. Une identité est convertible; en revanche quand un objet tombe sous un concept, cette relation n’est pas convertible. Le « est » de la proposition « l’étoile du matin est Vénus » n’est évidemment pas une simple copule : si l’on consulte le contenu, « est » est une partie propre du prédicat. On pourrait également dire « l’étoile du matin n’est rien d’autre que Vénus » en développant en quatre mots le contenu du précédent « est ». Dans ce cas, le « est » de « n’est rien autre que » est simplement copulatif. Ce qu’on énonce ici n’est alors que» est simplement copulatif. Ce qu’on énonce ici n’est alors pas simplement Vénus, mais rien autre que Vénus. Ces mots dénotent un concept, sous lequel il est vrai ne tombe qu’un seul objet. Mais un tel concept doit toujours être distingué de l’objet qu’il subsume. Nous avons ici un mot, « Vénus », qui ne peut pas être prédicat, bien qu’il puisse constituer une partie d’un prédicat. La dénotation de ce mot ne peut pas être un prédicat, elle ne peut être qu’un objet.
Il peut sembler vrai que Kerry estime impossible de fonder aucun principe logique sur de distinctions linguistiques; mais on ne pourra pas éviter de procéder comme Frege le fait si on veut parvenir à des principes logiques. Sans le langage, nous aurions et ne pourrions pas nous comprendre et nous en serions réduits à un acte de foi, à croire qu’autrui comprend les mots, les formes, et les constructions comme nous les comprenons nous-mêmes. Comme Frege l’avait déjà dit, et qu’il n’ait pas voulu donner une définition, mais il y a quelques indications qui font appel au sens de la langue que partage tout Allemand ou [tout locuteur d’une langue]. Et il a tiré avantage du fait que la différence sensible dans la langue s’accorde si bien avec la différence réelle. Dans le cas de l’article indéfini, on ne trouvera aucune exception à notre règle, même pour des expressions désuètes telles que « un noble conseiller ». La chose n’est pas si simple dans le cas de l’article défini, surtout lorsqu’il est employé au pluriel; mais son critère ne touche pas à ce dernier cas. Il y a un doute, quand le singulier tient lieu d’un pluriel; par exemple dans les propositions « le Turc assiégea Vienne », « le cheval est un quadrupède ». Toutefois, on y reconnaît aisément des cas particuliers et notre règle ne saurait en être affectée. Il est évident que dans la première proposition, « le Turc » est le nom propre d’un peuple. Quant à la seconde proposition, la meilleure interprétation est d’y voir l’expression d’un jugement universel : « tous les chevaux sont quadrupèdes », ou : « tous les chevaux normalement constitués sont quadrupèdes », Frege y reviendra plus loin…
Lorsque Kerry conteste la pertinence de son critère, en affirmant que, dans la proposition « le concept dont il vient juste de parler est un concept sous lequel tombe un seul individu », le nom constitué par les huit premiers mots dénote un concept, il n’entend pas le terme « concept » à son sens; et la contradiction ne naît pas de ses principes. Mais personne ne peut exiger que la manière dont il choisit de s’exprimer coïncide avec celle de Kerry.
On ne peut nier qu’on se heurte à une difficulté linguistique inévitable quand on dit : le concept cheval n’est pas un concept bien que la Ville de Berlin soit une ville et que le volcan Vésuve soit un volcan. Le langage est ici soumis à une contrainte qui justifie qu’on s’écarte de l’usage. Kerry reconnaît le caractère particulier du cas qui nous occupe en plaçant des guillemets devant le terme de « cheval » — et c’est dans la même intention que Frege utilise l’écriture italique. Il n’y a aucune raison pour attribuer une telle écriture distinctive aux mots « Berlin » et « Vésuve ». Dans le cours d’une recherche logique, il n’est pas rare qu’on ait besoin d’énoncer quelque chose d’un concept et donc de revêtir le concept de la forme linguistique usuelle pour de tels énoncés. D’où il résulte que l’énoncé est le contenu d’un prédicat grammatical. On s’attendrait alors à ce que le concept soit la dénotation du sujet grammatical. Mais le concept, de par sa nature prédicative, ne peut pas jouer d’emblée ce rôle, il doit être représenté par un objet que nous désignons en préposant les mots « le concept », par exemple :
« Le concept homme n’est pas vide. »
Il faut comprendre les trois premiers mots comme un nom propre, lequel ne peut pas plus avoir un emploi prédicatif que « Berlin » ou « le Vésuve ». Quand on dit « Jésus tombe sous le concept homme », le prédicat (abstraction faite de la copule) est
« tombant sous le concept homme »
et cela veut dire la même chose que
« Un homme ».
Mais la séquence de mots
« Le concept homme »
ne constitue qu’une partie de ce prédicat.
On pourrait faire valoir contre la nature prédicative du concept qu’on peut parler de concept sujet. Même en ce cas cependant, par exemple dans la proposition :
« Tous les mammifères ont le sang rouge »
la nature prédicative du concept n’est pas oblitérée. On pourrait en effet dire :
« Tout ce qui est mammifère a du sang rouge »
Ou
« Si quelques être est mammifère, il a du sang rouge ».
Lorsque Frege rédigea les Fondements de l’arithmétique, il n’avait pas encore distingué le sens de la dénotation et il désignait par l’expression « contenu de jugement » tout à la fois ce qu’il distingue désormais en « pensée » et « valeur de vérité ». Et il ne maintiendrait pas dans sa formulation littérale l’explication qu’il se proposait à la page [77], bien qu’il garde pour l’essentiel la même position. En bref, on pourrait dire, en prenant « prédicat » et « sujet » dans leur sens linguistique : un concept est la dénotation d’un prédicat, un objet est ce qui ne peut pas être la dénotation totale d’un prédicat, mais peut être dénotation d’un sujet. Il faut remarquer en outre que les mots « tous », « chaque », « quelques » figurent devant des termes conceptuels. Les propositions universelles et particulières, affirmatives et négatives, expriment des relations entre concepts et indiquent par ces mots (tous, chaque, quelques) le type particulier de la relation; du point de vue de la logique, ces mots ne doivent pas être liés étroitement au terme conceptuel qui fait suite, mais doivent être rapportés à la proposition toute entière. En somme, le langage est un moyen de donner la fonction de sujet à telle ou telle partie de la pensée. Un des procédés les plus connus est la distinction entre les formes du passif et de l’actif. Par suite, il pourra se faire que, la même pensée soit singulière selon une certaine analyse, particulière selon un autre, universelle enfin selon un troisième. On ne s’étonnera pas que la même proposition puisse être interprétée comme un énoncé portant sur un concept ou comme un énoncé portant sur un objet, pour peu qu’on veuille bien remarquer que ces énoncés sont différents. Par exemple : dans la proposition « il existe Jules César » n’est ni vraie ni fausse, elle est dépourvue de sens, bien que la proposition « Il y a un homme dont le nom est Jules César » ait un sens. Mais nous savons ici derechef que c’est un concept, comme l’atteste l’article indéfini. Pour récapituler : l’influence de Frege est majeure pour la logique et pour la philosophie analytique. Il a influencé Russell, Whitehead, Husserl, Carnap, Wittgenstein, Dummett, etc… Frege s’oppose au psychologisme et « expulse les pensées hors de la conscience » : les idées sont des représentations subjectives, mais les pensées sont objectives. Par ailleurs, selon Dummett, Frege est à l’origine du tournant linguistique qui est à l’origine de la philosophie analytique – c’est-à-dire : expliquer la pensée par l’analyse philosophique du langage. L’idéographie de Frege se veut être un nouveau langage purifié des imperfections du langage naturel responsable des fautes de raisonnement et d’erreurs d’interprétations. Selon l’analyse logique du langage de Frege, il y a essentiellement trois types de composantes dans le langage : ses termes singuliers, des propositions et des prédicats. Un concept est une fonction non saturée (ayant une place vide). « _ est la capitale de la France » est un concept. « Paris est la capitale de la France » est une proposition. Un nombre est un objet qui est la classe de tous les concepts dont les objets peuvent être mis en correspondance biunivoque. L’existence est une propriété d’un concept, selon laquelle ce concept peut être prédiqué d’au moins un objet. L’existence est un concept de second – ordre. Par exemple :
Sens et Référence : [Vénus] (Référence)
L’étoile du matin (Sens 1) L’étoile du soir (Sens 2)
ü Le sens comme mode « de donation » (« mode de présentation ») de la Référence.
Les représentations sont subjectives, le Sens est objectif. Si la lune est observée à travers une lunette, la lune est la Référence, l’image rétinienne pour chaque observateur est la représentation, l’image sur la lentille de la lunette correspondant au Sens.
ü Référence des prédicats : des fonctions qui sont des concepts.
ü Le principe de compositionnalité : Le Sens (ou la Référence) de toute expression complexe est fonction de Sens (ou de la Référence) de ses constituants.
Une proposition a pour Sens une pensée. Dans une proposition, la modification d’un terme par un autre ayant la même Référence peut modifier la pensée exprimée, mais non pas la valeur de vérité, donc une proposition a pour Référence le Vrai ou le Faux.
ü Pensée non complète et proposition ayant un individu comme Référence. « Celui qui … est mort dans la misère » a pour Référence : Kepler et non pas le Vrai ou le Faux.
ü Contexte indirect et proposition ayant un Sens comme Référence. Dans un contexte indirect, on ne peut pas interchanger des expressions ayant la même référence, mais il faut qu’elles aient le même Sens. Si Carole pense que l’étoile du soir apparaît le soir, il n’est pas forcément vrai que Carole pense que l’étoile du matin apparaît le soir.
ü Le cas des êtres impossibles. « La suite qui converge le moins rapidement » a un Sens, mais elle n’a pas de Référence.
ü Le cas de l’inassignable. « le corps céleste le plus éloigné de la terre » a un Sens, mais elle n’a pas de Référence assignable.
ü Le cas des êtres fictionnels.Le nom « Odyssée » et la proposition « L’odyssée est parvenue à Ithaque » ont un Sens, mais ils n’ont pas de Référence.
ü Et finalement, il faut définir le Sens pour les termes sans Références. On peut spécifier un référent possible en fournissant un mode de présentation ou de donation de ce référent éventuel.
Pour finir, Frege a bien répondu aux critiques de Kerry et invite le lecteur de se reporter à son article Fonction et concept. Si l’on demande ce que l’Analyse appelle fonction, on butera sur le même obstacle. Et un examen serré révélera que la difficulté gît dans la chose même et dans la nature de notre langage, qu’on ne peut remédier, à une certaine inadéquation de l’expression parlée, qu’il n’y a enfin rien à faire que d’en prendre conscience et d’en tenir compte!
3 commentaires:
Désolé de dire ça, mais le texte ci-dessus n'est rien d'autre qu'une paraphrase. Autant, dès lors, mettre le texte original, qui a l'avantage d'une plsu grande rigueur. Ou alors, mener une vraie explication de texte...
Mon approche n'était pas de paraphraser Frege mais bel et bien d'essayer de résumer le texte: "Concept et Objet" de Frege et de le rendre moins ardu! et je suis totalement en accord avec vous du «rigorisme» de Frege... mais néanmoins mon texte n'a pas de fautes d'orthographes comme votre "simple" commentaire!!!
Je ne tenais pas à vous blesser par mon propos, même s'il est assez direct. Ma foi, nous sommes sur un blog pas à un bridge d'aristocrates ;)
De plus, en bon philosophe, vous remarquerez sans doute qu'alléguer mes fautes de frappe -effectives- ne change rien quant aux arguments portant sur votre travail. Ne serait-ce pas plutôt là un argument ad hominem, comme l'explique Schopenhauer dans "L'art d'avoir toujours raison"?
Mais enfin, je ne suis pas convaincu que le résumé soit moins ardu que l'original, parce que certains détails l'obscurcissent. Par exemple, la fin de votre texte s'écarte du résumé, et on ne sait plus trop qui parle, et de quoi. On remarque que la source change parce que vous utilisez "dénotation" pour traduire "Bedeutung" dans le résumé et "référence", pour traduire le même mot, à la fin.
Un autre de ces petits problèmes survient quand vous écrivez: "« _ est la capitale de la France » est un concept". Justement, frege explique que ce n'est pas vraiment le cas lorsqu'il parle du "concept 'cheval'".
Bref, si votre idée est de résumer, je veux bien retirer ma remarque sur la paraphrase, puisqu'elle ressort du fait que je croyais avoir affaire plutôt à une analyse (vous parlez d'"examiner" au tout début). On dira que je me suis trompé...
Du moment que c'est un résumé, il resterait tout de même quelques modifications à faire pour augmenter la clarté de l'ensemble. Entre autres, pourquoi ne pas déclarer plus clairement que vous vous en tenez à un résumé et mettre une incise plus nette quand vous passez à autre chose?
Vous allez peut-être trouver que je dis ça pour vous embêter. Mais peut-être aussi que c'est constructif. A vous de voir.
Bonne continuation!
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