jeudi, mars 27, 2008

Siddhârtha Gautama (Bouddha)


Soyez à vous mêmes votre propre refuge. Soyez à vous mêmes votre propre lumière.^[Bouddha]


Mon action est mon seul bien, mon action est mon héritage. [Bouddha]


La compassion chez Bouddha & Schopenhauer.

INTRODUCTION

Le bouddhisme est un moyen de salut (sotériologique[1]), ouvert à tous, et dont la réalisation ne dépend ni de la foi ni de la grâce divine, mais de la compréhension de la réalité profonde des choses. Cette compréhension ne peut être obtenue, dit-on, qu’à l’issue d’une profonde préparation morale et psychologique. Le salut consiste en un état de béatitude tant que dure la vie et de non-renaissance lorsque cette dernière arrive à son terme. Il s’agit d’un but que se donnent les individus et qui, pour l’essentiel, ne dépend pas de la culture à laquelle ils appartiennent. Mais en essayant de comprendre le monde (qu’en dernière instance le vrai bouddhiste cherche à quitter), le bouddhisme a transporté tout au long de son voyage à travers les siècles une partie du bagage culturel hérité de ses origines indiennes. L’élément le plus important de cet héritage est constitué par l’institution centrale du bouddhisme, l’ordre monastique (Sangha). Une connaissance même sommaire de ses antécédents indiens permettra de mieux comprendre cette institution ainsi que divers autres aspects du bouddhisme. C’est pourquoi, nous définirons certains concepts de base (comme les cinq agrégats et de la production conditionnée, etc.) qui sont des éléments essentiels de la vision bouddhique de la réalité profonde des choses, en expliquant de façon succincte dans quel contexte prêcha le bouddha Gautama et à la fin, je ferai un petit survol et des liens subtils avec un philosophe allemand très érudit des traditions orientales et bouddhiques et j’ai nommé : le Grand Arthur Schopenhauer!

DÉVELOPPEMENT

De prime abord, le bouddhisme émergea autour de la vallée de l’Indus par « les Aryens ». Mohendo Daro et Harrapâ, sont les deux grandes cités de la vallée de l’Indus, ils étaient construites autour d’une gigantesque citadelle et à cette époque le brahmanisme était la religion principale, mais le bouddhisme viendra contre-carré et défaire cette popularité du brahmanisme puisqu’elle apportera « un vent de renouveau et de fraîcheur en Inde, car elle n’est pas d’accord avec le système de castes et de l’élitisme brahmanique. Il y’ aura donc un syncrétisme de la culture Dravidienne et du pouvoir des brahmanes, mais sans toutefois contester l’autorité des brahmanes, les Upanisad proposent une interprétation symbolique de l’acte rituel. Mais c’est au VIe siècle av. J.-C. qu’une effervescence religieuse vient contester l’autorité établie et proposer des pratiques de rechange, possiblement inspirées par celles qui prévalaient avant l’invasion aryenne. Le jaïnisme et le bouddhisme sont deux des mouvements rebelles qui s’opposent à la structure socioreligieuse de l’époque en rejetant le pouvoir des rituels et par conséquent, l’autorité des brahmanes et celle des textes védiques. En bref, c’est deux cultures qui s’opposent mutuellement…
Alors, Siddhârta Gautama qu’on surnomme le bouddha (l’Éveillé) naquit de parents ksatriya dans un petit village du Népal actuel, appelé Lumbinî. Siddhârta était un prince et fut élevé dans « le coton » n’ayant jamais vu la misère et la souffrance que son peuple endure, car il n’a jamais outrepassé les limites de son palais puisque tous ses désirs étaient comblés de l’intérieur. Désirant un héritier, le père de Gotama voulait que son fils suive ses traces. Pour éviter que son fils n’abandonne la vie mondaine afin de s’engager sur la voie radicale de l’ascétisme et de la renonciation, il tenta d’exclure de la vie de Gotama tout ce qui pourrait stimuler son désir d’entreprendre une quête spirituelle. Le cocon protecteur tissé par son père lui avait permis de grandir sans jamais être exposé à la maladie, à la vieillesse et à la mort. D’après la tradition bouddhique, le jour de la naissance de Râhula (empêchement) qui était son cousin fut décisif pour l’orientation de Gotama, car, pour la première fois, il s’aventura hors des limites du palais. Lors de sa brève aventure, Gotama fut témoin de quatre scènes. D’abord, il croisa un homme gravement malade, ensuite il rencontra un vieillard au crépuscule de sa vie, puis il vit un cadavre en putréfaction allongé sur la route. Et sa quatrième vision; c’est celui d’un « moine serein » qui se promenait joyeusement et allègrement sur le chemin… c’est à partir de cela, qu’il décida de devenir un ascète, car maintenant, il se demandait : « À quoi bon vivre si le corps doit inéluctablement devenir malade, dysfonctionnel et mourir? Y” a-t-il une solution à cette inhérente souffrance existentielle? Et comme nous le savons, c’est à partir de la quatrième vision et surtout à cause de son insatisfaction vis-à-vis de son existence humaine, qu’il décida de devenir un ascète parce que le moine rencontré précédemment était serein malgré tous les souffrances, maladies, douleurs et la mort que le monde contient malheureusement et véritablement!
Et, cette dernière vision fut très inspirante pour le futur représentant du bouddhisme traditionnel. Ensuite, dans la psychologie bouddhique ; l’on retrouve les cinq agrégats qui sont les seuls constituants de l’individu : il y a la matière (rûpa) qui est le corps physique ou porte sensorielle, ensuite il y a les sensations (vedanâ) et c’est subjective après on retrouve la reconnaissance ou (perception) qui est (la sannâ) pour l’interprétation, ensuite il y a les activités karmiques (sankhâra) qui sont les types de réaction et la conscience (vinnâna) qui est toujours reliés à un sujet ou à la matière parce que dans la psychologie bouddhiste : la conscience n’est jamais seule ou conscience pure. En bref, les cinq agrégats sont liés à la doctrine de la production conditionnée bouddhique. La tradition Mahayana fut « très populaire et subversive »; après la mort du Bouddha alors, le premier concile a eu lieu à Rajagraha (un an après la mort du bouddha, i.e. 486 avants J.C.). D’ailleurs, il y a eu de nombreux schismes dans cette tradition, mais le troisième concile se déroula au Asokârama de Pataliputta sous le règne du roi Ashoka. Mahinda, le fils d’Ashoka, aurait propagé la religion bouddhique vers le Sri Lanka et plusieurs autres émissaires auraient propagé la religion vers l’ouest et vers l’est, possiblement jusqu’en Birmanie. Alors, c’est ainsi que le bouddhisme se propagea à travers le continent et eu de nombreux « fervents et pratiquants » parce qu’elle n’est point dogmatique et acceptera même les femmes dans la communauté monastique (Sangha) ce qui est nouveau en Inde puisque nous savons que « les brahmanes » fonctionnaient en « système de castes » et que les femmes étaient toujours subordonnées à une présence masculine. Dans le bouddhisme ; l’on pratique les méditations (tantrisme, brâvana, sutta etc.) la prière et c’est une mode de vie spirituelle axée sur le moment présent- « car quoi que vous fassiez, vous devriez être pleinement attentif et conscient de votre acte à l’instant même où il est accompli. Cela veut dire que vous devriez vivre ainsi dans le moment présent, dans l’action présente. Cela ne signifie pas que vous devriez renoncer à penser au passé et à l’avenir. Il vous faut y penser au contraire, mais en relation avec le présent, avec l’action du moment, quand et où cela est à propos.[2] »
Le bouddhisme comme nous le savon est une mode de vie spirituelle et elle est axée surtout sur l’ascétisme ou le renoncement aux plaisirs qui est source de douleur ou souffrance (dukkha) pour suivre la voie du bouddha (dhamma) afin d’atteindre le nirvana. Et en parlant de nirvana; il y a un philosophe qui est l’un des fondateurs du pessimisme, il s’oriente vers le pragmatisme en remplaçant « l’idée » de Hegel par la Volonté comme principe de tout! C’est Arthur Schopenhauer, pour lui; l’unique chose en soi, c’est la Volonté qui apparaît comme une puissance irrésistible de vie et de croissance. Cette Volonté qui engendre dans l’homme la conscience qui d’ordre intellectuel, mais n’est pas une réalité nouvelle, mais plutôt une excroissance illusoire projetant dans le monde irréel des idées ce que la Volonté réalise. Ce vouloir universel et éternel « c’est la Volonté de Vivre ». Mais ce vouloir-vivre ou bonheur qui est relié aux désirs insatiables, reste non-assouvi, il devient donc une souffrance. Ainsi, chaque degré de perfection, en multipliant les désirs multiplient les douleurs; la douleur est l’état naturel de l’homme et le but où tend la nature. Notre monde est le pire qui soit! (pessimisme /nihilisme) C’est pourquoi, selon Schopenhauer, tous les préceptes d’une morale raisonnable se résume en un seul : « Détruire en nous, par tous les moyens, la volonté de vivre », mais pour atteindre ce but, les moyens violents ou physiques ne sont pas efficaces (Ex. : comme le suicide). Schopenhauer enseigne qu’il faut parcourir la double étape de l’art et de la contemplation bouddhique. L’art, d’abord, retrouve dans l’évolution des choses où se répand le vouloir-vivre, l’idée unique, stable et impersonnelle dont l’expression fait la beauté, et par-là, il s’évade de la vie et de ses désirs douloureux. C’est-à-dire le bonheur dans l’oubli de soi pour atteindre comme chez les bouddhistes « le nirvana! »
Pour continuer plus en détail, dans la perspective du bonheur — elle n’a aucune positivité : c’est la simple suspension de la souffrance. Schopenhauer considère que le bonheur n’est rien de positif, mais tout entier négatif, et consiste uniquement dans la cessation provisoire d’un manque. Le bonheur est donc illusoire, en raison de la nature insatiable du désir. De même que fumer une cigarette n’apaise, dans l’instant, le désir du fumeur que pour l’attiser ensuite, le fait de mettre un terme à la souffrance, c’est-à-dire à l’insatisfaction, revient à y substituer l’ennui, avant une souffrance supérieure. Le bonheur n’est que la « cessation d’une douleur ou d’une privation et, pour remplacer ces dernières, ce qui viendra sera infaillible ou une peine nouvelle, ou bien quelque langueur, une attente sans objet, l’ennui » Pour sortir de ce cercle infernal, c’est au désir lui-même qu’il faudrait renoncer, mais comment désirer ne plus désirer sans être le serpent qui se mord la queue? Schopenhauer complète ce point en établissant une hiérarchie des moyens qui, selon lui, nous permettent de sortir de la souffrance : tout d'abord, il y a l’art, qui nous fait faire le premier pas en direction de la contemplation pure ; puis il y a la morale qui, grâce au sentiment de pitié, nous fait sortir de notre égoïsme premier; et enfin, il y a le renoncement à tout vouloir-vivre, qui nous détourne de toute représentation. La force et le génie de Schopenhauer résident bien selon moi, dans le fait d’avoir postulé que le flux de représentation, qui constitue la relation de l’homme au monde, n’est ni purement subjectif, ni transcendant, mais ancré dans la volonté de la nature se voulant elle-même!
La volonté explique, en effet, mieux que toute autre chose, pourquoi il n’y a pas de sujet sans objet, ni d’objet sans sujet. Par la volonté d’une vie voulant vivre en nous comme dans la nature, il devient possible de comprendre pourquoi nous ne pouvons pas ne pas penser, et pourquoi rien n’est insignifiant, neutre ou muet dans la nature. Ensuite, pour sortir de cette volonté Schopenhauer voit la solution dans une sorte de fuite, de retraite, un refus de vouloir. Là encore, il s’inspire de la philosophie orientale et plus particulièrement de la philosophie bouddhiste qui préconise que « l’existence est faite de souffrance (dukkha) alors il faut éviter les plaisirs par le renoncement ou le non-soi pour ensuite suivre la voie du Bouddha (dhamma) afin d’atteindre le nirvana![3] »



LES QUATRE NOBLES VÉRITÉS
En bref : « Voici, ô moines, la vérité mystique [litt. : la noble vérité] sur la douleur : la naissance est douleur, la maladie est douleur, la mort est douleur, l’union avec ce qu’on déteste est douleur, la séparation d’avec ce qu’on aime est douleur, l’impuissance à obtenir ce que l’on désire est douleur. En résumé, les cinq agrégats d’appropriation sont douleur.
Voici encore, ô moines, la vérité mystique sur l’origine de la douleur : c’est la soif qui conduit de naissance en naissance, accompagnée de jouissance et d’attraction, qui cherche satisfaction ici et là : soif des plaisirs des sens, soif de l’existence, soif du devenir et soif du non-devenir.
Voici encore, ô moines, la vérité mystique sur la suppression de la douleur : c’est l’arrêt complet de cette soif, la non-attraction, le renoncement, la délivrance, le détachement.
Voici encore, ô moines, la vérité mystique sur le chemin qui conduit à l’arrêt de la douleur : c’est le chemin mystique à huit membres qui s’appelle vue juste, intention juste, parole juste, action juste, mode de vie juste, effort juste, vigilance ardente et juste, et juste samâdhi.
Telle est la vérité mystique sur la douleur. Ainsi, ô moines, toutes les choses jusqu’alors inconnues, mes yeux se sont ouverts, et apparurent connaissance, sapience, science et lumière.[4]»
En somme, pour Schopenhauer : l’ascétisme est, selon lui, le seul recours. Cependant, l’art ouvre également une porte. Il permet à l’homme de renoncer à ses propres intérêts en se consacrant entièrement à la recherche de l’esthétique. Schopenhauer établit des hiérarchies entre les différentes formes d’art. Il considère la tragédie avec son effet de catharsis et la résignation qu’elle implique, comme l’une des formes supérieures de l’art. D’ailleurs, il existe un art capable d’atteindre directement la volonté elle-même, sans passer par l’objectivation de l’idée. « La musique nous donne ce qui précède toute forme, le noyau intime, le cœur des choses. » Elle est la plus profonde, le plus puissant de tous les arts. Nul mieux que Schopenhauer n’a justifié la signification universelle du génie de Mozart et de Beethoven. Bien au-delà d’une sentimentalité individuelle, c’est le monde même, comme volonté, qui est répété dans ses harmonies et ses dissonances. En dehors du tout concept, le langage immédiat de la musique est « un exercice métaphysique inconscient ».
La musique est la forme suprême de l’art! Il n’en résulte pas que la philosophie doive faire place à l’art ou se transformer en philosophie de la musique; mais le rapport du philosophe et de l’artiste est posé en termes nouveaux. » Si la philosophie a été longtemps cherchée en vain, c’est qu’on voulait la trouver par la voie d’une science et non par la voie de l’art. » Si, comme tout art, elle est répétition du monde comme volonté, elle retient aussi de la science la rationalité et l’abstraction du concept. Le retentissement de cette métaphysique de l’art ne se limitera pas au « wagnérisme » de la fin du XIXe siècle, mais il se prolonge, au moins indirectement par Nietzsche, dans une interrogation et critique vitale de la métaphysique de Schopenhauer…
Alors, pour clarifier et résumer la pensée Schopenhauerienne : c’est que « L’essence du monde, c’est la volonté… un Vouloir-Vivre aveugle et privé de raison qui anime tous les corps. Ce Vouloir-Vivre, qui vise la survie de l’espèce, se sert des individus (particuliers) pour parvenir à ses fins. (D’ailleurs, on n’est que des exemplaires de l’espèce) Aussi, la lutte que mène chacun pour satisfaire ses désirs est elle-même vouée à l’échec : L’homme, esclave de ses désirs sans cesse renaissants, est condamné au malheur. Alors, les seules voies de salut possible sont : (L’art : qui permet de contempler les idées! et (Le bouddhisme : pour contrer toutes désirs. Finalement, c’est par le refus de vouloir-vivre!

CONCLUSION

Nous avons tenté, au cours de ce travail, une petite analyse comparative se basant sur un point de vue théorique commun entre le bouddhisme Mahayana et la pensée schopenhauerienne : une certaine forme de renoncement à la vie est présente dans les deux doctrines puisque pour le bouddhisme; il y a le renoncement aux plaisirs qui est source de douleur ou de souffrances (dukkha) tandis que pour Schopenhauer : il faut détruire à tout prix ce Vouloir-Vivre aveugle et universel, cette pulsion insatiable qui pousse l’homme à survivre, à objectiver et à réaliser quelque chose. Par une génération hâtive, Schopenhauer fait de cette volonté la propriété de toute réalité, tant de la nature que de la culture. Pour finir,
Schopenhauer et Bouddha sont de « Grands Sages » qui ont influencé et marqué les gens et l’humanité entière dans le côté positif et c’est pour cela d’ailleurs, qu’on les étudiera toujours de génération en génération, car ils prêchent « la bonne nouvelle, » par leurs pensées ou philosophies; ils contribuent et aident à renforcer la compassion des individus l’un envers l’autre!



BIBLIOGRAPHIE

j N.B. La plupart des textes et références de ma dissertation sont inclus dans


SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation, trad. A.Burdeau, Paris, PUF, 1992.
WALPOLA RAHULA, L’enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens, Paris, éditions du Seuil, 1961.
FRANÇOIS CHENG, Le Dialogue, Collection Proches Lointains, Imprimerie Floch à Mayenne en 2002.
HEINZ BECHERT et RICHARD GOMBRICH, Le monde du Bouddhisme, Édition Thomas & Hudson SARL 1998, pour la présente édition.
JEAN-FRANÇOIS REVEL, Le moine et le philosophe, Mathieu Ricard et Nil éditions, 1997 Paris.
HULIN, SERGE. Qu’est-ce que l’ignorance métaphysique?, J. Vrin, Paris, 1994, pp.7- 43.
MAHÂVAGGA, 1.6.19 et sqq., trad. Par Lilian Silburn, Aux sources du bouddhisme, p.37.
[1] La sotériologie constitue les éléments de la doctrine qui, au sein d’un système religieux, se rapporte au salut.
[2] WALPOLA RAHULA, L’enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens, Paris, éditions du Seuil, 1961. p.99.

[3] En similitude avec les quatre Nobles Vérités bouddhiques qui sont : 1. Dukkha (souffrance)
2. Samaduya, l’apparition ou l’origine (de Dukkha) 3. Nirodha, la cessation (de Dukkha)
4. Magga, le sentier (qui conduit à la cessation de Dukkha) afin d’atteindre le Nirvana.

[4] MAHÂVAGGA, 1.6.19 et sqq., trad. Par Lilian Silburn, Aux sources du bouddhisme, p.37.

samedi, mars 15, 2008

Les idées gouvernent le Monde!


«LES IDÉES GOUVERNENT LE MONDE ET DICTENT LA CONDUITE DE CHACUN»
[Jean Dorst]
parce que: derrière chaque pratique et chaque conduite, sur le plan individuel ou social... Il y a toujours des modèles philosophiques... (C'est-à-dire toujours des IDÉES!)

mercredi, mars 12, 2008

La Beauté est Vérité!



SELON RABINDRANATH TAGORE,

« lorsque nous faisons l'expérience de la beauté, nous la connaissons comme vérité ».

dimanche, mars 09, 2008

PROVERBE DU VÉDA!

"Un nombre infini de mondes apparaissent et disparaissent dans l'immense étendue de ma propre conscience, comme des particules de poussière dansant dans un rayon de lumière."
[Le Véda]

lundi, mars 03, 2008

LES ATOMISTES ANCIENS! ...


DÉMOCRITE & ÉPICURE

Conception atomiste de DÉMOCRITE & D'ÉPICURE!

Les réflexions présocratiques sur la matière remontent à un temps lointain et ont bénéficié de l’apport de plusieurs savants-philosophes grecs. Mais pour éviter de retracer son histoire indéfiniment, nous allons limiter notre investigation sur la conception atomiste de Démocrite et celle d’Épicure, car ils représentent tous les deux, une véritable intuition de la science antique sur la science moderne.

De prime abord, il faut partir un peu avant Démocrite, et j’ai choisi Parménide. En effet, la pensée de Parménide était apparue en réaction à la théologie pythagoricienne qui se retrouvait devant une impasse : si les lignes décrites par les pythagoriciens peuvent être divisées à l’infini, les petits points sur lesquels ils se basaient, soit n’existent pas, soit ne peuvent pas être exprimés par le langage mathématique. C’est donc par une critique rationnelle de l’expérience que Parménide se présente. En effet, il ne croit pas en les méthodes expérimentales des pythagoriciens et des autres savants-ioniens de son époque. Par la raison, il se propose d’étudier l’univers, de l’observer et il en arrive ainsi à deux propositions contradictoires : « Ce qui est, est. Ce qui n’est pas, n’est pas. » Ainsi, Parménide venait d’introduire la matière et le vide. Le seul problème de la théorie de Parménide est qu’elle est constamment réfutée par l’expérience de la vie réelle. En effet, la théorie de Parménide ne permet pas d’introduire le mouvement, le changement ou la diversité ce qui fait que l’être est un et fait face à un monde entier et complet, puisque le non-être n’existe pas.

En opposition à Parménide, Empédocle, et Anaxagore par la suite, vont démontrer l’utilité de l’expérience tout en montrant qu’il faut se méfier de nos sens. En effet, Empédocle prouvera par expérience l’existence de l’air, et c’est ainsi qu’il ouvrira la porte à la théorie atomiste en démontrant que ce qui est invisible existe tout de même, et il donne à ce titre l’exemple du vent qui est une grande force invisible, idem pour la rivière qui est une grande force visible. Ce qui est important chez Empédocle c’est qu’il ne conserve pas l’Un de Parménide, mais adopte plutôt comme principes initiaux la Terre, l’Air, l’Eau et le Feu. Anaxagore ira loin en admettant la possibilité d’une multitude de principes initiaux.

On en arrive donc ainsi à la théorie de Démocrite. L’hypothèse atomiste de Démocrite ressemble étrangement au modèle contemporain que créa Dalton au 19e siècle. Mais Dalton ne s’inspira pas de Démocrite et il ne faut pas considérer plus loin les liens entre les deux. L’originalité de Démocrite, au 5e siècle avant Jésus-Christ, était d’avoir posé la meilleure théorie de son époque pour résoudre les problèmes qui y avaient courts. Ainsi, pour la première fois, Démocrite, pensa que ce qui n’existe pas, existe. Le vide existe donc autant que la matière. Le vide est donc un infini d’étendue et est totalement pénétrable, c’est le vide absolu. Les atomes sont de la même manière, en opposition, un infini de substances, totalement impénétrables, c’est le plein absolu. Démocrite conçoit ainsi les atomes : ce sont des substances solides et uniformes, incréées et éternelles, eux-mêmes incapables de changement, mais qui dans leurs combinaisons et leurs dissolutions variées dans le vide, formaient tout notre monde réel. Démocrite voit les atomes d’une même substances comme étant toutes semblables, mais qu’entre substances, ils différaient par la forme, l’arrangement et la position. C’est ainsi que Démocrite pu, de façon originale, en arriver à l’affirmation de l’existence du vide et à une conception de l’atome lui-même. Mais encore, les découvertes de Démocrite eurent une plus grande importance pour les pythagoriciens. Car là où leur modèle mathématique était limité par un point, les atomes de Démocrite possédaient une masse, étaient spacialement divisibles et physiquement indivisibles. Ainsi, Démocrite venait de fournir aux pythagoriciens la petite brique dont ils avaient besoin pour construire leur édifice mathématique. Le génie de Démocrite énonça aussi la toute première loi de la conservation de la matière et démontre bien le mérite de la puissance de généralisation qu’on peut accorder à la théorie atomiste de Démocrite. « Rien n’est créé à partir rien » « Toutes les choses qui ont été, qui sont et qui seront, ont été nécessairement pré ordonnées. »

Pour sa part, Épicure reprendra beaucoup de Démocrite. Il énoncera trois principes de la matière dans la Lettre à Hérodote 38-39 : premièrement « rien ne vient du non-être », deuxièmement « si ce qui disparaît aux yeux se résolvait au non-être, toutes les choses auraient péri » et il en découle une troisième « que l’univers a toujours été et sera toujours ce qu’il est ». Pour bien en saisir toute la portée, il faut rappeler que la doctrine d’Épicure ne croit pas que rien ne puisse être créé par opération divine, et il exhorte les hommes à questionner leurs frayeurs mal fondées. Aussi place-t-il la nature comme étant la force de la vie, et c’est pourquoi les substances peuvent se décomposer et se recomposer à l’infini : la nature ne laisse jamais voir aucune fin. Il va même plus loin en disant que les météores, les solstices et toutes les choses du genre sont produits par un être plus grand (Dieu), mais qu’il faut voir ses manifestations comme des actes compris dans un ordre plus grand qui est la nature. Épicure se pose ainsi contre le déterminisme de la nature et contre les causes finales.

Mais pour revenir plus précisément sur la matière et le vide, Épicure voit l’univers comme un composé de corps et d’espace. Les corps existent par la sensation, quant à l’espace, il existe que pour permettre aux corps de se mouvoir. Il considère qu’outres ses deux éléments, il n’y a rien qu’on puisse dire distinct ou éloigné de la matière et du vide, car ce sont les deux formes d’existences. Ainsi, tout sujet existant aura ou subira une action de la part des autres qui lui donneront un mouvement, un changement de position dans le vide. Épicure conçoit donc l’existence comme étant une preuve de la matière, le vide n’ayant pour rôle que de fournir un espace pour celle-ci. En ne considérant que deux éléments, la matière et le vide, Épicure s’oppose à Empédocle, Héraclite, Anaximène et Thalès de Milet, entre autres, car il croit qu’aucun autre élément ne peut exister en dehors des deux énumérés. Ainsi, il considère comme faux tous les systèmes antérieurs ayant pour principe fondamental la terre, l’eau, le feu, l’air ou toute combinaison de ces éléments. Maintenant, en ce qui concerne les atomes, Épicure divise la matière en ce qui est composé et ce qui ne l’est pas. Les atomes tombent dans cette seconde catégorie, et comme les atomes en soi ne changent pas, il ne leur reconnaît que les qualités de la figure, du poids et de la grandeur. Si Démocrite en a fourni le modèle théorique, Épicure, pour sa part, va plutôt en discuter avec Hérodote et en tirer des conclusions plus larges, tel l’infinité de l’univers, la possibilité d’une infinité de mondes, la création du monde et de l’homme, etc. Il va beaucoup discourir sur l’infinité de la division des atomes est certes variables, mais pas indéfiniment. Il y aurait donc une limite supérieure de grandeur, mais il y a aussi une limite inférieure. Épicure s’oppose à la division à l’infini car il croit qu’il y a une limite au-delà de laquelle la division est impossible parce que l’univers ne comporterait plus aucun éléments de réalité. Les atomes sont donc les plus petites particules de matières existantes. Une autre différence marquée entre la pensée d’Épicure et celle de Démocrite est que ce dernier envisageait dans le mouvement des atomes qu’une chute dans le vide et un choc entre les atomes. Pour Épicure, les atomes tombent, dans le vide, sans aucune résistance et tous à la même vitesse sans égard à leur masse. Par contre, Épicure ajoute à cette théorie du mouvement une théorie de la déclinaison des atomes, déclinaisons qui agit comme une certaine autonomie et qui produit chez l’atome un mouvement autre que la chute en ligne droite. La déclinaison serait ainsi une hypothèse physique pour tenter d’expliquer l’entrée en contact des atomes mais c’est aussi une loi éthique, l’atome représentant l’individu autonome, libéré des dieux prônés par l’épicurisme.

C’est ainsi que se conclut ce bref tour d’horizon de l’évolution du concept de matière chez Démocrite et Épicure. Il y a une donc vérité qui réside dans les atomes et le vide, et les phénomènes semblent ne mériter qu’un crédit très restreint : au point qu’une certaine tradition, certes contestée par Plutarque1, voudrait que Démocrite se fût crevé les yeux à la fin de sa vie, afin que la vision des yeux n’opposât point d’obstacle à sa pénétration d’esprit2. Cette sorte de dédain pour les yeux, n’exprime-t-il pas crûment ce « désespoir épistémologique » que certains ont voulu déceler- non sans parfois l’exagérer- dans la pensée de Démocrite? – C’est dans cette ligne herméneutique que s’inscrit indéniablement le jeune Marx. Par trois fois, dans sa Dissertation, il parle des « hypothèses » (Hypothesen) de Démocrite 3- en déplorant que celui-ci, à la différence d’Épicure- n’ait pas considéré qu’il est indispensable pour le sage d’être dogmatique au sujet des questions principales. Alors pour résumer ; -Est-il besoin de le préciser? Le vide, chez Démocrite, est absolument…vide! Il n’est pas le « vide » très fleuri dont la physique moderne nous dit qu’il « regorge d’être physiques infimes, indivisibles et fugaces » ; il n’est pas comparable à ce « vide » intergalactique, dont on nous dit qu’on n’y trouve pas plus d’une molécule pour 2 cm3 ! Que la matière des particules réelles puisse émaner selon des modalités encore mal connues d’un tel « vide » qui n’en est pas un, il n’y a là rien qui puisse nous surprendre. Mais que le vide véritable des anciens atomistes (et non plus son moderne homonyme), que le néant, autrement dit, pût avoir un effet moteur sur quoi que ce soit, c’est là une conjecture qui leur eût paru proprement impensable.


Pour finir, on peut en tirer un formidable respect pour ces hommes qui, à une époque où les moyens d’expérimentations étaient extrêmement limités, ont su développer un pouvoir d’intuition qui leur a permis d’envisager des hypothèses qui, après avoir été perdues, ont mis plusieurs siècles avant de reprendre leur place dans notre théorie de la connaissance. La théorie atomiste de Démocrite ressemble beaucoup, à celle faite par Dalton au 19e siècle, et la théorie du mouvement d’Épicure, qui stipule que les atomes tomberont à la même vitesse dans le vide indépendamment de leur poids fait penser aux expériences de Gassendi au 17e siècle. On ne peut que trouver dommage la perte d’aussi grands écrits surtout l’ouvrage de Démocrite. On peut aussi remercier Lucrèce d’avoir su immortaliser la doctrine d’Épicure.


1 DÉMOCRITE, frag. 68 A 27 [= Plutarque, De la curiosité, 12, 521 D] ; in Les Présocratiques, op. cit., p. 760.

2 DÉMOCRITE, frag. 68 A 22 [= Cicéron, Tusculanes, V, XXXIX, 114] ibid., p.758-759.

3 Cf.MARX (K.), Dissertation, op. cit., II, 2 : p. 252 et 257, ainsi que II, 5 : p. 284.